Conteneurs : la CGT Douane lance une alerte sanitaire

1- Communiqué : Conteneurs, la CGT Douane lance une alerte sanitaire

En France, des milliers de travailleurs (dockers, douaniers, déclarants en douane, magasiniers, chauffeurs routiers, logisticiens...) ouvrent chaque jour des conteneurs et y pénètrent pour un temps plus ou moins long afin d’y procéder par exemple à des opérations de contrôle ou de manutention.

Un geste aussi banal pourrait avoir pour eux des conséquences graves voire mortelles, immédiatement ou par sa répétition du fait de la présence très fréquente de gaz toxiques parfois en grande concentration.

Selon une étude de médecins du travail allemands dévoilée en 2008 par l’European Respiratory Society, 97% des conteneurs testés au débarquement dans les ports de Hambourg et de Rotterdam présentaient des traces de gaz toxiques et dans des concentrations supérieures aux normes de sécurité dans 30% des cas !

La section du Havre du Syndicat national des agents des douanes CGT (SNAD-CGT) ayant eu connaissance de cette étude s’est inquiétée des mesures de prévention à adopter face à cette menace mal connue (extrêmement peu d’études disponibles) et pernicieuse (la quasi totalité des gaz dangereux sont incolores et inodores).

L’insistance de notre syndicat a fini par pousser l’administration des douanes à une première mesure : du 31 mai au 8 juin 2010, 120 conteneurs amenés au Sycoscan (appareil à rayon X de très grande capacité) ont fait l’objet d’un test de leur atmosphère par un appareillage adapté. 28% ont révélé des taux de gaz toxiques supérieurs aux seuils de sécurité :

  • dans 25% des cas, ces gaz étaient de ceux utilisés pour la fumigation afin de détruire des organismes nuisibles (insectes, rongeurs, moisissures...) susceptibles de se diffuser du pays de départ vers l’Europe. Il s’agit donc par définition de gaz extrêmement toxiques destinés à tuer à peu près toute forme de vie ;
  • dans 16% des cas et souvent en association avec les premiers, le test a mis en évidence d’autres gaz toxiques (benzène, toluène...) pouvant avoir une autre origine, par exemple émaner des marchandises séjournant dans le conteneur.

Dans l’étude allemande comme dans le test réalisé au Havre, il faut souligner qu’aucun conteneur ne portait la signalisation prévenant que le conteneur avait été fumigé. Par ailleurs, les agents des douanes qui ont mené l’expérience au Havre soulignent qu’aucun conteneur ne portait non plus d’indice laissant soupçonner sa fumigation (obturation des aérateurs, rubans sur les joints de porte).

Il s’agit donc de manière incontestable d’un danger réel et immédiat pour la santé de tous les travailleurs amenés à pénétrer dans ces conteneurs et manipuler ou être en présence des marchandises qu’ils contiennent.

Chaque semaine, ce sont 700 000 à 900 000 « boites », dans le jargon portuaire, qui débarquent en Europe en provenance de la seule Asie. De plus, certains de ces produits imprègnent les marchandises transportées et sont ensuite susceptibles d’être libérées pendant des mois et affecter ainsi la santé des consommateurs que nous sommes tous. Cette grave question de santé au travail est donc également une question de santé publique.

Les solutions que propose l’administration des douanes du Havre, telles qu’une ventilation de 15 minutes lors de la première ouverture d’un conteneur, sont insuffisantes car certaines situations peuvent nécessiter des équipements de protection (différents selon la nature du gaz) et une ventilation de 24H peut parfois être nécessaire avant de revenir à une concentration inférieure aux seuils de sécurité.

Mais, plus important que tout, une menace d’une telle ampleur ne peut recevoir une réponse qui resterait cantonnée aux seuls douaniers ou à certains d’entre eux. Nous prenons donc nos responsabilités et décidons d’alerter toutes les autorités et organisations compétentes afin qu’une solution globale et satisfaisante soit apportée à ce danger qui nous menace tous.

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2- Informations complémentaires

Conteneurisation

Apparu à la fin des années 1950 et rapidement normalisé, le conteneur a connu un développement exponentiel en permettant la manutention simple, rapide et sécurisée des marchandises et le développement du transport multimodal (mer-rail-route) sans avoir à manipuler ou reconditionner les marchandises. La conteneurisation a été à la fois une cause et une conséquence de la mondialisation et des délocalisations. Les échanges mondiaux en sont profondément bouleversés et toutes les conséquences de ce phénomène ne sont pas encore connues.

En dehors du vrac (céréales, minerais, hydrocarbures...), 90% des marchandises transportées par voie maritime le sont aujourd’hui par conteneur. Avec une capacité de plus de 15 000 EVP (« équivalent vingt pieds »), les porte-conteneurs ont aujourd’hui dépassé les pétroliers en tant que plus grands navires en service. La capacité totale de la flotte mondiale est aujourd’hui de plus 13 millions de « boîtes » contre 1,7 million en 1990 et 4,5 millions en 2000.

Le Havre, premier port français pour les conteneurs, a accueilli 2 656 171 EVP en 2007 contre 1 319 278 en 1998 (+101 % en 10 ans) avec un objectif à moyen terme de 6 millions d’EVP.

Sources :
 http://www.havre-port.fr
 http://www.hafen-hamburg.de
 http://www.axs-alphaliner.com

Illustration :

Conteneurs sur le port du Havre, 2004, par utilisateur Urban de wikipedia.fr, licence Creative Commons GFDL
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Conteneurs1.jpg

Fumigation

La présence de rongeurs, d’insectes ou de moisissures peut menacer la bonne conservation des marchandises durant leur transport qui peut durer plusieurs semaines.

Par ailleurs, les transports internationaux ont toujours favorisé le déplacement d’hôtes indésirables (rats porteurs de la peste au Moyen-Âge...). La conteneurisation favorise grandement cette diffusion en supprimant les ruptures de charge. Une des menaces les plus craintes est aujourd’hui le nématode du pin, parasite minuscule capable de ravager des forêts entières.

La destruction de ces parasites par fumigation est donc un enjeu économique mais aussi d’intérêt public pour la préservation de la faune et de la flore des pays d’arrivée et la santé des populations. Dans le cadre de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), la Convention internationale pour pour la protection des végétaux définit des normes internationales pour les mesures phytosanitaires (NIMP) destinées à préserver les ressources végétales.

La NIMP 15 (2002, révisée en 2006 et 2009) en particulier, préconise la fumigation par bromure de méthyle (tout en reconnaissant que des substituts devront être trouvés car ce gaz endommage fortement la couche d’ozone, il est interdit en Europe depuis le 18 mars 2010). Elle définit une concentration minimale pendant 24h qui, dans le meilleur des cas, correspond à 1 200 fois la valeur limite d’exposition professionnelle française ou 6 000 fois la norme américaine (lien : fiche de sécurité du bromure de méthyle http ://www.inrs.fr/INRS-PUB/inrs01.nsf/IntranetObject-accesParReference/FT+67/$File/ft67.pdf

La fumigation est ainsi devenue obligatoire pour un grand nombre de destinations et est quasi-systématique au départ de nombreux pays dont la Chine.

Selon les règles de l’Organisation maritime internationale (IMO) et en particulier le Code maritime international des marchandises dangereuses (IMDG), les conteneurs ayant fait l’objet d’une fumigation devraient porter une signalisation distinctive et complète et chacun d’entre eux devrait faire l’objet d’une mention spécifique sur le manifeste de chargement du navire.

En pratique, ces obligations sont systématiquement ignorées.

Sources :
 site de la FAO http://www.fao.org
 site de l’IMO [en anglais] http://www.imo.org et particulièrement http://www.imo.org/safety/mainframe.asp?topic_id=158
 site de l’INRS, institut national de recherche et de de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles http://www.inrs.fr/inrs-pub/inrs01.nsf/IntranetObject-accesParReference/INRS-FR/$FILE/fset.html
 Illustration tirée du bulletin 07/1999 de Transports Canada
http://www.tc.gc.ca/fra/securitemaritime/bulletins-1999-07-fra.htm

Une prise en compte insuffisante par les pouvoirs publics

En France, la Circulaire de la Direction générale du Travail n° 2009-02 du 28 janvier 2009 relative aux actions programmées et campagnes de contrôle en 2009 indiquait, parmi les campagnes de contrôle à mener (ce thème de contrôle n’a pas été reconduit par la circulaire pour 2010) :
« 2.4. Secteur maritime : fumigation des porte-containers
Les travaux du CHRIT [NB : Comité des hauts responsables de l’Inspection du Travail, structure européenne de coopération], lors de sa réunion des 1er et 2 décembre dernier à Lyon, ont également envisagé les dangers des gaz présents dans les containers résultant soit de fumigations préventives destinées à éviter la perte de marchandises pendant le transport, soit de l’évaporation de gaz toxiques ou explosifs, soit enfin de réactions de ces gaz avec les produits transportés.

Une enquête auprès de plusieurs pays européens a montré la pertinence et l’intérêt d’approfondir la connaissance de ce risque et de travailler sur les mesures à prendre, tant au point de vue opérationnel que prescriptif par l’inspection du travail et les autres services compétents ainsi que, plus globalement, par la chaîne du transport.

La France n’ayant pas participé, pour diverses raisons, à ce programme je souhaite que les agents de contrôle affectés à ce secteur effectuent au second semestre également un contrôle des conditions dans lesquelles le déchargement de ces conteneurs est effectué au regard des résultats de cette enquête. »

Cette question semble avoir alerté ponctuellement les autorités canadiennes et néerlandaises sans que des mesures d’envergure aient été prises.

Sources :
 Bulletin officiel du Ministère du Travail, 28 février 2009 et 30 janvier 2010
http://www.travail-solidarite.gouv.fr/documentation-publications,49/bulletins-officiels,53/bulletin-officiel-du-ministere-du,1693/
 Bulletin 07/1999 de Transports Canada
http://www.tc.gc.ca/fra/securitemaritime/bulletins-1999-07-fra.htm
 Étude de juillet 2006 de l’Inspection du travail des Pays-Bas [en néerlandais] http://www.arbobondgenoten.nl/arbothem/gevstof/containers/ai_juli2006.pdf

3- La globalisation des marchés menace indirectement nos poumons

Communiqué de presse du 6 octobre 2008 de l’European Respiratory Society (Société européenne de pneumologie, association européenne de pneumologues et de chercheurs)
http://dev.ersnet.org/uploads/Document/51/WEB_CHEMIN_3699_1223394486.doc

4- Fumigation : outil de décontamination des conteneurs ou bombe à retardement ?

Article publié le 13/05/2009 sur http://www.prevent.be site internet de l’institut belge Prevent, « institut multidisciplinaire axé sur la prévention des risques professionnels par la promotion de la qualité des conditions de travail et l’amélioration de l’organisation du travail »
http://fr.prevent.be/net/net01.nsf/p/1C83E5744CC9E7E5C1257590003C407E

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